Même pas une photo pour débuter.
Rien.
J'arrive les mains dans les poches. J'arrive sur mon blog en passant par la porte de derrière. N'y voyons aucune allusion à la sodomie. Je respecte encore trop mon blog pour lui faire ce genre de choses. Non j'arrive dans ce blog par l'entrée des artistes. Fatigué de faire dans la grandiloquence comme à la grande époque, plus envie de faire de superbes photos d'intro, lassé de trouver une musique qui accompagnerait l'internaute pendant sa lecture.
Rien.
Je commence à rédiger un billet, et j'ai l'impression que j'ai 50 ans. Les interfaces ont beau changer, ce sont les mêmes vieux meubles qui ont vu passer ma gueule pendant des siècles. Les claviers de mes ordinateurs ont beau se renouveler au grès des Macbooks derniers cris, ce sont les mêmes vieux doigts qui passent dessus.
Mon blog est une vieille ex. En la baisant, je sais où je vais, je sais comment faire, je sais comment la faire jouir, et je sais que ça n'est pas fatiguant. Le plus difficile étant d'attendre que l'orgasme arrive enfin en appuyant sur le bouton "publier l'article", tout en sachant que l'orgasme sera décevant, parce qu'il se ressemblera toujours au final. C'est le problème de choisir la facilité et de baiser en terrain connu.
Je peux blogger assis, debout, couché, qu'importe la position, je sais que mon blog me suivra toujours.
Pourtant mon blog me fait toujours autant envie. Parce que je peux arriver ici, sans crier gare, puis repartir sans dire aurevoir. Il m'a tellement fait souffrir quand j'étais plus jeune. Clairement, il m'a retourné la tête. Je n'avais pas d'expérience, je vivais avec lui chaque jour, on était dans une relation fusionnelle. Je peux pas m'empecher d'esquisser un sourire quand je me rappelle la grande époque. C'était plus simple, plus frais, donc plus créatif dans la façon de surprendre. Alors qu'aujourd'hui, après les années qu'on a passé ensemble, puis séparés, puis re-ensemble, puis re-séparés... Comment pouvoir esperer avoir un peu de fraîcheur dans notre relation ?
Et pourtant blogger ici m'excite toujours. Ici je sais que je ne suis pas obligé de me protéger. Qu'importe les maladies ailleurs, ici la zone est safe. On se connait tellement tous les deux qu'on a le pouvoir d'effacer toute sorte d'élément vérolé pouvant nous nuire.
Je lui parle, il m'écoute. Il m'écoute, je lui parle. On a un vrai échange sain, exactement comme j'aime.
Mais alors blogger sur quel sujet ?
J'en sais foutrement rien. D'habitude, je me pose sur un clavier, et mes mains prennent le relais. Mais en ces temps perilleux sur la blogosphère mourrante ou renaissante (chacun a son avis là dessus), j'imagine qu'il faut que je trouve un vrai sujet, j'imagine que je suis attendu au tournant.
Je dois être très certainement attendu au tournant, vu le nombre de fois où l'on me demande de me remettre à écrire mes états d'âme. Il faut que je trouve un vrai sujet, pour que l'internaute n'ait pas eu l'impression de venir pour rien.
C'est vrai ça, on doit impérativement rendre des comptes à l'internaute, du moment qu'on lui demande de faire l'effort de cliquer sur un lien. Un blog visiblement, c'est un espace de représentation, ça n'est plus un journal intime, c'est une scène de stand up. C'est un outil de promotion, une vitrine pour exposer toute son anatomie, ou tout du moins les fringues qu'on y met dessus.
Puisque ce blog est une scène. Et que le public est déjà dans la salle. J'imagine que je dois passer par l'entrée des artistes. Serrer quelques mains à des techniciens. Faire la bise au producteur de ce spectacle. Pisser pour évacuer le trac. Passer derrière les larges rideaux en velours, ce moment de vide avant de se faire happer par les lumières de la scène. Et me présenter au public. Me sentir nu face à des centaines de regards pendant quelques secondes. Habituer mes yeux aux lumières. Ma gorge est sèche. Je suis attendu au tournant.
Un silence qui dure une eternité.
Je clique sur "Publier un article". Je jouis.
Deux minutes après je regretterai. Je viendrai de baiser avec mon ex. Je me sentirai minable. Parce je repartirai tout penaud vers ce qui me qui me fait vibrer aujourd'hui. Et je pourrai pas m'empecher de me dire.. "Et merde.. Et si je tentais d'apprendre des erreurs du passé, et que j'essayais de vivre cette relation de façon intelligente ?".
Mon blog est une relation difficile. Il fait partie de moi, je fais partie de lui. J'ai beau aller voir ailleurs avec J'irai Loler, le Golden Show, Les Rois de la Suède, Karaté Boy, je n'arrive pas à l'oublier.
Je pourrai mettre une photo en guise d'introduction de cet article. Jouer dans la grandiloquence. Je ne peux pas. Je le respecte trop, je tiens trop à lui pour arriver par la grande porte et poser mes couilles sur la scène.
Non, je suis obligé d'arriver, en douceur, par l'entrée des artistes.